Les bricottiers du Haut-Doubs

À côté des professionnels de la contrebande, existaient beaucoup plus nombreux, les « bricottiers ».
Passeurs occasionnels, ceux-ci représentaient presque la totalité de la population frontalière.
Pour attirer cette clientèle aux devises fortes, les commerçants suisses offraient, pour chaque achat, un « tringalte ». Ces petits cadeaux tels que bonbons, barres de chocolat ou… cigares, fidélisaient les clients et… créaient parfois des besoins nouveaux!
Nombre de garçons du Haut-Doubs ont fumé leur première cigarette parce qu’elle leur avait été offerte par un marchand « bien intentionnée ».
Les commerçants n’hésitaient pas d’ailleurs, à installer leurs magasins dans des endroits isolés, à l’abri des regards indiscrets des « gabelous », où les « bricottiers » pouvaient s’approvisionner en toute quiétude.
Les denrées que les Français allaient acheter chez leurs voisins, à cette époque, étaient surtout le sucre, le thé, le café (vendu vert, il était grillé à domicile), les allumettes (qui étaient de meilleur qualité qu’en France) et le « Burus », un tabac qui était fumé à la pipe.
Occasionnellement, on rapportait une montre, un jeu de tarot (les jeux de cartes étaient, en France, frappés d’une taxe), de la dentelle ou du pétrole.
La « brocotte » n’était pas un passe-temps de tout repos. Outre les « gabelous » qu’il fallait éviter, même s’ils se montraient moins sévères qu’avec les contrebandiers, les accidents du terrain et les distances constituaient des obstacles de taille.
Quand un habitant du Bizot décidait d’aller faire « un tour en Suisse », l’aventure pouvait prendre des allures d’expédition. Il devait être aguerri à la marche, mais également savoir escalader; grimper et… se camoufler! S’il se faisait prendre, les ennuis commençaient car, repéré, il serait à l’avenir plus surveillé;
D’autre part sa marchandise, surtout s’il s’agissait de tabac ou d’alcool, était en partie (ou en totalité) confisquée et une amende pouvait être donnée.
Tous ces risques décuplaient son ingéniosité et le « bricottier » était passé maitre dans l’art de dissimuler ses achats. Il cachait le tabac dans ses chaussettes, plaçait le 3-6 à sa ceinture, dans un récipient plat qui épousait les formes de son corps et le reste… sous sa longue « blaude ».
Souvent les exploits des contrebandiers alimentaient les récits faits lors des traditionnelles veillées et chacun pouvait apprécier, en connaisseur, les bons tours joués aux « gabelous »

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