Aux Rogations, le 8 mai, le curé suivi par la procession des fidèles, parcourt tout le territoire de la commune qu’il bénit. Il s’arrête de temps en temps, généralement auprès des croix dressées à l’embranchement des chemins, pour donner un coup de goupillon dans toutes les directions et les assistants s’écrient en chœur: « Que Dieu bénisse nos champs, nos prés, nos vignes! »
Un jour, une bonne vieille, qui dévotement suivait la procession, ajouta: » Et ma caimelinotte itou! » Elle avait peur que le bon Dieu n’oubliât son humble pièce de colza.
Dans certaines paroisses, le prêtre au cours de la procession, ramasse des pierres du chemin sur lesquelles il colle des petites croix en cire et il les lance au milieu des champs ensemencés. C’est pour conjurer la grêle, les pluies diluviennes, l’orage, tous les mauvais temps qu’on désigne par l’expression générale d' »orvals ». Ces pierres bénies sont appelées irrévérencieusement du « fumier de curé ».
Cette cérémonie des Rogations dure trois jours. C’est le dimanche qu’on processionne: le lundi et le mardi, le prêtre, accompagné du bedeau et de deux enfants de chœur, va poser les petites croix de cire sur les maisons, sur les fontaines, sur les rochers, dans les chambres à coucher, dans les écuries. C’est ce qu’on appelle « les petites bénédictions ».
Dans certaines paroisses, c’est le sacristain qui va de maison en maison apposer ces croix. On lui donne des oeufs ou quelques sous. (Émagny, Doubs). À Rougemont et dans les hameaux environnants, les prêtre bénit principalement les fontaines. Lorsqu’il n’y a ni bassin, ni margelle, ni édicule quelconque, quand c’est tout simplement un trou de source, où l’on vient puiser avec un seau, le curé jette ses petites croix dans l’eau. Les âmes pieuses croient que cette eau ainsi bénie, guérit les bestiaux malades qui en boivent.
À Aillevans (Hte-Saône), outre les petites croix en cire, le prêtre jette dans l’eau des puits , une pincée de sel, après avoir dit les prières.
Au sujet des Rogations, des superstitions subsistent: si l’on fait la lessive durant ces trois jours « on chasse le patron de la maison ». On exprime la même idée sous une autre forme encore plus précise, en disant « qu’on lave son suaire ». On prétend aussi que si l’on mat au four pendant les Rogations, on mangera du pain moisi toute l’année. Charles Bauquier en 1900